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IADL
13 février 2008

LA DEMOCRATIE DU DEVELOPPEMENT

Jeams Olla*

Mon métier m’a souvent donné l’occasion de couvrir l’Afrique, du Cap au Caire, de travailler avec de nombreux africains intelligents, souvent diplômés des prestigieuses universités occidentales, et cela m’a permis d’observer  que nous avons tous, quelque soit notre pays d’origine, quelques pratiques communes,  d’abord dans  notre rapport au pouvoir  et ensuite dans notre  style « naturel » de gestion des hommes et des organisations :

  1. L’africain croit, oui  je dis bien croit, que tout pouvoir vient de Dieu. On  reçoit le pouvoir de Dieu ou des esprits (c’est selon). Et bien sûr, cette conception de prise ou de dévolution du pouvoir s’applique  naturellement à la politique : Le pouvoir suprême vient de Dieu.
  2. Ce qui découle de ce rapport au pouvoir, est que le chef ne doit pas être contesté publiquement. Si le chef  est là  c’est que Dieu l’a voulu ainsi.

Même si je ne partage pas entièrement les conséquences de cette conception, je dois reconnaître que c’est une réalité dont il faut tenir compte pour comprendre la dynamique du pouvoir et notamment du pouvoir politique et de sa gestion dans le contexte africain. Et tous ceux qui aspirent au leadership politique en Afrique doivent  l’intégrer dans leur démarche.

1. LE CONSENSUS OU LA DEMOCRATIE MAJORITAIRE

Les africains dirigent généralement par le consensus. On écoute, on palabre et on décide ensemble de ce qu’on va faire. Mais, la démocratie politique occidentale  moderne, qui tire ses racines dans la Grèce antique, exige la participation de  partis politiques et une majorité sortie des urnes. C’est  cette majorité qui  va diriger la cité et  l’opposition qui va s’opposer.

Ce principe de gestion de la cité, louable par ailleurs, n’est  fiable que lorsqu’un minimum de conditions est réuni, notamment le niveau d’éducation général des populations pour comprendre tous les enjeux de l’élection. L’élection permet en principe de choisir un projet de gestion de la cité plutôt qu’un autre.

Appliquer ce mode de gestion aujourd’hui en Afrique, tel quel, c’est mettre la charrue avant les bœufs, ça ne bouge pas, ça coince, ça casse et ça se rebelle.! Et  c’est en contradiction avec notre conception africaine  de  la « gestion » des affaires de la cité qui est inclusive et non exclusive.

2. IL FAUT PARTAGER LE POUVOIR AVEC LES AUTRES

Dans une large proportion, nous africains sommes encore (y compris les intellectuels qu’on accuse d’ailleurs d’être les plus grands tribalistes!)  trop proches de la tribu, du clan, du village. Cela nous empêche de  penser pays, nation. Nos structures mentales sont encore trop influencées par le groupe tribal auquel nous appartenons.

En Afrique, peu de partis ont pour ambition la conquête exclusive du pouvoir.  En effet, Il n’est pas rare  de voir des partis qui ne présentent pas de candidats aux élections présidentielles ou qui soutiennent des personnalités qui ne sont pas membres du parti. Lorsque vous discutez avec ces  « leaders » politiques, vous comprenez que leur objectif c’est la participation au pouvoir,  c’est partager le pouvoir, avoir leur place à la table des discussions, là où les décisions se prennent.

Il apparaît donc  comme profondément ancré dans l’inconscient collectif, cette nécessité de la palabre, cette recherche du consensus maximal. Le conflit n’intervient que lorsque le pouvoir n’est pas ou n’est plus partagé avec les autres.

Les défections dans les partis politiques sont parfois liées à cette « volonté » commune des individus d’être dans le camp de ceux qui dirigent, cette attraction irrésistible vers  le bois sacré. C’est cela la problématique de la démocratie politique moderne  en Afrique. Nous voulons tous être aux affaires en même temps ! En même temps est mieux n’est ce pas ? Demain c’est trop loin dit-on souvent dans un pays d’Afrique de l’ouest (que j’aime beaucoup).

Qui veut être opposant ? Personne ne l’envisage parce que l’opposition signifie exclusion de la table des décisions alors que tout le monde veut être là où se prennent les décisions… pour en apprécier tous les avantages !

Ce serait réducteur de penser systématiquement que les défections dans les partis politiques sont exclusivement d’ordre « alimentaire ». Il faut peut être aller chercher les raisons dans la culture africaine par rapport au pouvoir et à son exercice. L’Africain est animé par ce besoin d’être ensemble, d’être en groupe, de débattre librement des problèmes de la cité. C’est peut être cela la démocratie du développement.

*DIRECTEUR ASSOCIE IADL                                                                      A suivre…

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